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Fragments d'Enfance

Du 15 février 2014 au 08 mars 2014 Le musée abrite la 4ème édition du Festival national de la Photographie d'Art (FesPA).

ENFANCE en images

Un instant, une rencontre instantanée : le photographe, sorti de l’enfance depuis plus ou moins longtemps, et un enfant ou un groupe d’enfants qui avancent vers l’âge adulte. Puis chacun continue sa route, dans le grandissement de la vie , de leurs vies. La rencontre est celle de deux histoires dans un même moment, un instant privilégié parfois si l’on en croit le rire et les yeux pétillants de certains « sujets ». Et c’est contagieux, l’enfance ; on imagine aisément le sourire du photographe en écho, l’éclair amusé derrière l’objectif. Parfois un grand sérieux, un peu sombre, toujours complice.

L’enfance ne laisse pas indifférent. Il est dit qu’on n’en sort pas indemne. Ou  encore qu’on n’en sort tout simplement jamais. Nous avons tous eu la nôtre. Est-ce un refuge, un endroit secret où l’on peut se retrouver dans son entièreté, sans camisoles ? Il y a toujours un enfant qui rit, un enfant qui pleure, un enfant qui est lové en nous. Et il a droit au respect, comme tous les enfants. Car un jour, tous nous irons à la cueillette des souvenirs du temps des jeux, des rires à gorge déployée, des chagrins, des bouffées enthousiastes, des étonnements vertigineux et des questionnements souvent inassouvis.

Pour aborder ces rivages délicats, nous cherchons des outils : les métaphores sont des images secourables, elles foisonnent pour représenter l’enfance. En voici quelques-unes, on verra que l’adulte s’y taille toujours un bien beau rôle. Il se voit en potier habile à modeler des vases qu’il faudra alors remplir car, bien-sûr il les considère en ustensiles vides ; ou bien alors, dans le registre horticole , il dira que la fleur annonce le fruit, et que les plantes qui grandissent ont besoin d’un tuteur pour pousser droit, ou encore… mais la réalité de l’enfance, sa vitalité, ses espérances une image fut-elle symbolique ou allégorique ne peut en dompter l’impétuosité et l’élan, l’espièglerie, la pureté ou ce que certains appellent l’innocence. Sans sombrer dans l’angélisme –même si les adultes ont toujours représenté les anges par des bambins, très jeunes bien sûr -, il est permis d’admirer et d’être ému par la poésie qui émane des clichés dont la caméra a sauvegardé une fulgurance. Alors, jouons à offrir un petit poème pour accompagner une photographie ; par exemple, à laquelle iraient ces vers ?

Mes petits princes                                                      Mes petits princes

Des contes verts                                                      Des rêves joufflus

Mes grands princes                                                      Mes grands princes

De l’Histoire vécue                                                      Des veillées algébriques

 

Le poète s’adresse à ses fils. Et à travers eux, à tous les fils sur la terre.

L’enfance, un moment de croissance, une étape de la vie. Avant l’adolescente, souvent turbulente et insatisfaite, en recherche aussi. Malgré les changements de la vie dite moderne, l’enfance ne s’est pas dépouillée d’une sorte d’aura de douceur, de légèreté et  de plasticité .Les artistes l’ont contemplée et célébrée : peintres, photographes, poètes y ont apporté leur touche avec leurs sensibilités et leur vision du monde. Les enfants autour d’eux ont soutenu une inspiration qui ne s’épuise jamais.

Les enfants, un enfant, mon enfant, moi enfant… Les mots distinguent et nomment. Et que font les photographies ? Elles aussi fixent, font un arrêt sur image, interpellent via les yeux et ce qu’il y a derrière. Les habits de fête, les jeux à peine interrompus pour sourire à une caméra ou à un caméraman… Et la pensée nostalgique s’envole vers des contrées de l’humanité secrète, timide ou éclaté.

Ce sont aussi des images qui nourrissent les contes et les contes peuplent le royaume magique des petits et des grands. Les petits, surtout. Les enfants s’y glissent sans peine. Il était une fois dans un pays lointain, dans un temps lointain quand les animaux parlaient… Et les voilà munis d’un bagage langagier animalier qui n’a nécessité les affres de nulle école pour être compris. Et celui des métamorphoses, du changement et du grandir. Ils attribuent un sens à ce qu’ils perçoivent ; leurs gestes et leurs regards reflètent leur adhésion discrète. L’énergie nocturne puisée dans l’écoute des paroles -de- l’âme irrigue le jour deces êtres toniques et spontanés. Me reviennent ces soirées d’été, sous la voûte étoilée d’un ciel sans nuages, alors je recueillais les histoires où les registres merveilleux ou facétieux s’alternaient. Grands et petits étaient réunis dans l’écoute pieuse de la voix de l’une ou l’un de nos aînés. Les enfants dans les contes merveilleux ne sont pas des choses informes, non-abouties ; l’histoire leur laisse toutes leurs chances d‘épanouissement. Et le phénomène d’identification au héros opère en profondeur. Les situations varient, les lieux aussi. Et le plus petit n’est pas le moins bien loti. Combien de Vilains petits canards deviendront de beaux cygnes majestueux ! Et l’enfant entend bien que Vriroche, Grain de pois-chiche, Vassilissa, Petit Poucet, Pinocchio et tant d’autres « petits » ont sauvé leur monde.

La photographie d’art ne fait pas autrement : l’enfant a été vu comme un sujet digne d’intérêt, un être beau, reconnu et distingué comme un être de valeur. L’enfant a reçu un traitement de faveur qui le met en scène, qui le présente, qui l’expose dans un écrin que l’on espère assez précieux pour arriver à la hauteur de sa beauté.

Des enfants, c’est, à l’évidence, des garçons et des filles. A ces dernières aussi les peintres et les poètes ont fait une place. Ecoutons celui-ci et voyons de nouveau le poème comme une légende à inscrire sous un des documents photographiques exposés. Lequel direz-vous ?

 Il suffit que vous refusiez le pardon

Du mal qui vous sera fait

Et les plus lisses promenades

Vous seront offertes

Promenades en rameaux de mimosas

Promenades blanches d’aubépines

Sans laisse, sans muselière, sans chien
 

Les années d’insouciance, les années trop courtes où les filles jouent aussi, jouent encore. Je m’y retrouve et je revois mes amies de jeu : à la balle ! Et les comptines ponctuées d’éclats de rires, parfois de disputes : non, c’est pas ton tour, c’est à moi ! Plénitude, enchantement du crépuscule avant l’appel des mères pour le souper fumant. Oui, il est bon de dire ces longs moments entre enfants où nous jouions à la marelle, où nous sautions à la corde jusqu’à épuisement. Et tous les jeux inventés, qui n’avaient de sens que pour nous et dont nous avions inventé les règles, scrupuleusement respectées. Pas d’appareil photo alors pour faire témoignage, mais les clichés d’aujourd’hui nous y reconduisent. Quand la roue de la vie a commencé à tourner… Marelle escargot, marelle en moulin, rondes endiablées. Plus loin, les garçons comptent les noyaux d’abricots ou les billes qu’ils ont gagnées, d’autres fouettent une toupie qui doit tourner elle aussi : « si tu t’arrêtes m’amie, je te frapperai plus fort », dit la chansonnette. Les filles ici, les garçons là-bas. Pas de mélange de genre, nul n’y songerait… Les perplexités viendront plus tard, si elles viennent.

Dire encore l’imaginaire, la créativité qui exprime l’indicible dans ces petites œuvres d’art que les enfants bricolent avec un bout de carton, des brindilles, des cailloux ou des morceaux torturés de fil de fer. Alors, l’adulte doit s’éloigner ou se mettre en retrait dans une posture d’apprenant car à cela désormais l’expert, c’est l’enfant. Les heures infinies, les jours et les années passés sur les bancs de l’école font courir le danger d’assécher ces envols, et les sources taries pourraient ne jamais rejaillir. La préservation de ce capital artistique serait-elle dans la recette, exprimée par un grand pédagogue,  curieusement au mode négatif : « Ne pas piétiner, ne pas humilier, ne pas en faire un esclave, laisser vivre sans décourager, ni brusquer, ni presser. » Nous savons qu’éduquer en évitant ces écueils n’est pas une tâche facile. Alors, essayons de remettre la formule dans un style affirmatif, positif. Les photographies donnent des indices : les enfants quand ils rient et débordent de joie sont des messages vivants. Est-ce parce qu’ils sont dehors, en plein air, entre eux, en paix ? C’est tout cela et plus encore. Parents, enseignants, éducateurs de tous bords ont la difficile tâche de décoder et de lire ce livre de la vie pour pouvoir agir sans faire trop de dégâts.

Qui se rapproche le plus du photographe d’art sinon l’artiste peintre ? Le critique n’a-t-il pas écrit d’un portrait croqué avec talent : «  il a peint les détails avec une minutie quasi photographique. » Renoir pour ne citer que lui n’a pas peint que des femmes plantureuses ou des paysages romantiques. Des enfants ont été choisis comme modèles : dans les mains, ils tiennent qui un fouet ou une badine, qui un cerceau ou encore un chaton. Ceux qui sont assis sagement ont dû poser avec courage et canaliser leurs énergies pour le monsieur au pinceau, les autres semblent figés comme pour un arrêt sur image. Le photographe, lui, peut flasher et vite englober en un clin d’œil le mouvement, la frimousse, le regard. Un avantage pour des sujets aussi vifs, pour capter ce qui sinon ne saurait rester captif. L’acte échappe à la lourdeur, à la lenteur et rechigne à la correction. C’est à prendre ou à laisser, et une photo ça se prend. A l’évidence, l’enfance a sollicité d’autres grands artistes : Picasso et son petit Paul, les enfants batifolant au bord de la mer dans les belles toiles de Sorolla, et celui d’Issiakhem dont le nom m’échappe et que l’anecdote a fait grandir une nuit où son créateur de peintre se serait glissé au musée pour retoucher sa toile.

L’enfance, on la voudrait toute rose, sans blessure, creuset de souvenirs attendrissants et ensoleillés. Mais la vie a ses ombres. Depuis la nuit des temps, prématurément des enfants doivent laisser les jeux pour aller travailler, seconder ou remplacer des adultes. Et parfois subir la maltraitant cède ces derniers. Ils peuvent aussi en voir se déchirer et assister impuissants à des scènes qu’ils ne comprennent pas. Alors qu’ils continuent d’effectuer sans relâche ce dur travail physique et psychologique qu’exige leur croissance. La caméra se fait alors pudique mais pour qui sait regarder, elle suggère comme par un frôlement… Comme il y faut de l’espace et du soulignement, de l’insistance et de la répétition, les romans ont essayé de dire cette face sombre de l’enfance négligée, ce manque de respect, cet abus de pouvoir sans nom : Dickens, Hugo, Bazin parmi d’autres dans les siècles passés. Aujourd’hui les écrivains sont rejoints et renforcés dans leurs dénonciations par les photographes. Et les photos hurlent.

Ainsi, l’expression de la joie, du bonheur, de la tranquillité, de l’harmonie et du chemin vers l’avant est entre les mains, entre les yeux de ces hommes et femmes derrière l’objectif, tout autant que la laideur, la peur, la violence ,et le travail artistique ajoute aux messages qui deviennent témoignages, véridiques et authentiques qui nous sont donnés pour que nous les déchiffrions. Une signature de l’humanité. Un appel à la lucidité et à la bienveillance.

***

La conteuse termine cette rencontre avec la formule consacrée : « j’ai conté cette histoire à des seigneurs, qu’ils la prennent et la gardent dans leur cœur. » Les photographes n’en diraient-il pas autant de leurs œuvres ?

 

Malika Lemdani

   Docteur en Sciences de l’Education

Université de Genève

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